Communiqué de Presse:
Les Nations Unies exhortées à satisfaire à leurs obligations légales au regard des victimes haïtiennes du choléra
Les Nations Unies condamnées pour leur refus de respecter le droit international
Le 17 juin 2015—Une multitude d’experts, dont des intellectuels, des avocats en droits de l’homme, des dirigeants de la diaspora haïtienne aux Etats-Unis et d’anciens représentants des Nations Unies à travers le monde ont déposé six dossiers juridiques hier devant la Cour d’Appel de New York, afin de manifester leur opposition à la tentative des Nations Unies d’élargir leur immunité devant les tribunaux américains. Les dossiers, connus sous le nom d’amicus curiae (amis de la Cour), ont été déposés devant le Second Circuit Court of Appeals, à New York, à l’appui du dossier principal qui a été déposé la semaine dernière par les avocats des victimes haïtiennes du choléra. Les victimes demandent justice pour l’épidémie de choléra qui a été introduite en Haïti après que les systèmes défectueux de latrines et d’évacuation des eaux usées des soldats onusiens ont communiqué avec la rivière Artibonite. Depuis 2010, l’épidémie aurait fait au moins 9000 victimes. 700 000 personnes auraient été contaminées.
Dans le dossier déposé par onze associations représentant la diaspora haïtienne, celles-ci expriment le sentiment d’indignation éprouvé par les Haïtiens à l’étranger et en Haïti face à la stratégie des Nations Unies, qui invoque son immunité tandis que des milliers d’haïtiens succombent à l’épidémie. « Le fait de doter les Nations Unies de l’immunité dans ce litige récompense l’organisation pour avoir refusé de respecter ses obligations et avoir agi de mauvaise foi » s’indigne Emmanuel Coffy, Av., qui représente les associations de la diaspora haïtienne. Soeurette Michel, membre de l’Association des Avocats Haïtiens et de la Coalition de la Base des Haïtiens-Américains, affirme que « les faits sont incontestables, les lois sont claires, et ce que nous voulons, c’est que les lois soient appliquées correctement aux faits pour que les victimes et leurs familles aient un recours légal. » Me Marleine Bastien, membre de l’Association des Femmes Haïtiennes de Miami, a affirmé que « les Haïtiens sont déterminés à lutter jusqu’au bout pour faire reconnaître la responsabilité des Nations Unies. Nous ne nous arrêterons que lorsque l’épidémie causée par les Nations Unies cessera de tuer injustement des Haïtiens. »
Le dossier déposé par les six anciens responsables des Nations Unies explique que la réaction injuste de l’organisation à l’épidémie de choléra a engendré une crise de responsabilité et de transparence qui menace la légitimité, la crédibilité et la capacité des Nations Unies à remplir leur mission. « Les Nations Unies considèrent la lutte des victimes haïtiennes du choléra comme une menace, » affirme Stephen Lewis, ancien directeur adjoint de l’UNICEF et actuellement co-directeur de Aids Free World, qui a signé le dossier. « Mais les Nations Unies peuvent mettre un terme à ces poursuites si elles établissent une commission de recours. La vraie menace contre les Nations Unies est son refus, peu judicieux, de respecter ses propres principes. »
Un dossier déposé par vingt-quatre associations de droits civiques et de droits de l’homme, représentant treize pays différents, explique que les Nations Unies ont été créées par le droit international et qu’elles doivent s’y soumettre. Ainsi, l’organisation ne peut pas légalement se soustraire à sa responsabilité envers les victimes du choléra, auxquelles elle se doit d’offrir un recours alternatif afin de remédier à leurs souffrances. « Les Nations Unies devraient témoigner de leur engagement envers la prééminence de l’Etat de droit au niveau international en obéissant à ses préceptes » soutient Kerry Kennedy, présidente du Centre des Droits de l’Homme de Robert F. Kennedy, qui a aussi signé le dossier. « Il est temps que les Nations Unies satisfassent à leurs obligations face au peuple haïtien, qui a tant souffert. »
Un dossier déposé par vingt-deux intellectuels et avocats de droit international affirme que les revendications des victimes du choléra relèvent du droit privé, un domaine dans lequel les Nations Unies ont reconnu l’obligation de fournir un recours. Le dossier explique pourquoi ce procès ne relève pas du principe de la « nécessité opérationnelle », qui constitue une exception à cette obligation. Le dossier mentionne « des décennies de déclarations de l’organisation et de pratiques institutionnelles qui confirment que les Nations Unies sont obligées de fournir un recours alternatif pour des demandes telles que celles déposées par les plaignants. »
Seize experts en droit européen soulignent dans leur dossier que les Cours européennes mettent en balance la question de l’immunité d’organisations internationales telles que les Nations Unies et le droit fondamental des victimes à un un recours contre de les abus. Selon Kristen Thelin, juge ad hoc de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, ancienne juge du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et membre du comité des droits de l’homme des Nations Unies, « en Europe, l’immunité des Nations Unies est très importante, mais elle n’est pas illimitée. Les Cours requièrent que les Nations Unies et les autres organisations mettent à disposition des individus affectés un recours alternatif. La raison est très évidente : l’absence d’un recours sape le rôle des Nations Unies comme champion des droits de l’homme. »
Six éminents professeurs de droit constitutionnel aux Etats-Unis ont rédigé un mémoire dans lequel ils expliquent que l’application de l’immunité souveraine dans ce procès, sans justification, constitue une violation du droit du plaignant d’avoir accès au tribunal. Un de ces experts, Erwin Chemerinsky, doyen de l’école de droit de l’Université de Californie Irvine, a soutenu qu’« avoir accès au tribunal est un aspect fondamental du droit à une procédure équitable. Dans ce procès, il s’agit de savoir si ceux qui sont décédés et ceux qui ont souffert à cause de l’épidémie de choléra en Haïti ont le droit d’être entendus devant un tribunal de droit. Il est essentiel que la Cour fasse respecter et fasse valoir cette liberté fondamentale. »
Ces dossiers, dits amicus curiae, rassemblent des personnes et des associations, dont des experts en droits de l’homme, des membres du Congrès américain, des membres de comités éditoriaux, et des organismes juridiques, qui ont exhorté les Nations Unies à faire face à leur responsabilité vis-à-vis l’épidémie de choléra en Haïti. Les Nations Unies, pour leur part, ne contestent pas qu’elles soient responsables de l’introduction du choléra en Haïti ou qu’elles aient une responsabilité envers les victimes. En revanche, elles affirment qu’aucune Cour ne peut les forcer à respecter leurs obligations, parce qu’ellent bénéficient de l’immunité. De plus, les Nations Unies prétendent faire leur maximum pour lutter contre l’épidémie. Le plan de l’ONU pour éradiquer le choléra, introduit en 2012, n’a été financé qu’à 9%.
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