Press Release: Selon une délégation américaine, la réponse aux viols dans les camps de personnes déplacées en Haïti est inadéquate et rend les victimes responsables de leur agression (Versión en Francés)

Pour diffusion immédiate
17 mai 2010

Contacts :
Blaine Bookey, Institute for Justice and Democracy in Haiti (IJDH) (415) 515‑8956; blaine@ijdh.org
Lisa Davis, MADRE(212) 627‑0444, lisadavisnyc@gmail.com
Deena Hur­witz, professeur de droit, University of Virginia School of Law(434) 924‑4778; deena@virginia.edu

Selon une délégation américaine, la réponse aux viols dans les camps de personnes déplacées en Haïti est inadéquate et rend les victimes responsables de leur agression.

Des avocats reçoivent des témoignages de victimes de viols et préparent une action légale.

Port-au-Prince (17 mai 2010) : Au cours de plus d’une semaine d’entrevues et d’enquêtes sur place, une délégation composée d’avocats, de professionnels de la santé et d’activistes américains a constaté des taux alarmants de viols et d’autres violences faites aux femmes dans les camps de personnes déplacées de Port-au-Prince depuis le tremblement de terre du mois de janvier. Les réactions de plusieurs représentants du gouvernement haïtien, affirmant que les victimes ont une part de responsabilité dans ces viols, a provoqué l’indignation des avocats des droits humains et des membres de la communauté, qui estiment que les femmes ne bénéficient absolument pas de la sécurité indispensable pour prévenir et enrayer la crise de violences sexuelles. Les services médicaux sont submergés et ne peuvent pas prodiguer les soins nécessaires aux femmes victimes d’agressions.

« Il faut absolument étouffer le mythe qui dit que ces viols résultent de l’attitude des femmes », dit Blaine Bookey, avocate de l’Institute for Justice and Democracy in Haiti et coordinatrice de la délégation. « Ce sont des crimes violents perpétrés par des inconnus au cœur de la nuit. Ils méritent l’attention de la police et des autres groupes qui organisent les camps. »

La grande majorité des femmes et des jeunes filles racontent qu’elles ont été violées par des groupes d’inconnus armés qui les frappent régulièrement au cours de l’agression, les menaçant de représailles si elles portent plainte. Les assaillants opèrent souvent de nuit, lorsque les femmes sont endormies aux côtés de leurs enfants ; ou lorsqu’elles se rendent aux toilettes, des hommes les attendent dans les cabines sombres. « Il est absolument inacceptable que ces viols restent impunis », a déclaré Mario Joseph, avocat et directeur du Bureau des Avocats Internationaux, qui a accueilli la délégation à son bureau de Port-au-Prince. « Nous sommes en train de monter des dossiers solides contre les violeurs, pour donner à ces femmes la justice qu’elles méritent. »

Les femmes qui rapportent ces viols à la police disent qu’on les a éconduites, qu’on ne les a pas prises au sérieux ou qu’on leur a recommandé de prévenir la police au cas où elles reverraient leurs agresseurs. « Pap tap vini » ou « Ils ne seraient jamais venus », a répondu une femme à qui on demandait pourquoi elle n’avait pas porté plainte. Ces expériences ne font que renforcer l’idée qu’il est inutile de faire une déposition à la police, particulièrement si la victime ne peut pas identifier ses assaillants. « Pour contrer cette culture d’immunité absolue des violeurs, nous devons créer des environnements dans lesquels les victimes peuvent témoigner de ces crimes et être prises au sérieux », explique Lisa Davis, avocate de l’organisation MADRE. « La crise politique et économique en Haïti, qu’elle soit subséquente ou conséquente au tremblement de terre, n’enlève pas aux autorités la responsabilité de protéger les femmes des agressions sexuelles », affirme Deena Hurwitz, professeur adjointe et directrice de l’International Human Rights Law Clinic à la faculté de droit de l’Université de Virginie.

On trouve très peu d’informations sur les services médicaux et légaux pour les victimes de viols, et, si elles existent, elles sont généralement fausses et incomplètes. Là où des services sont disponibles, les femmes sont confrontées à des attentes interminables et au manque de confidentialité, et sont très rarement reçues par des professionnelles de la santé féminines. « J’ai accompagné une victime de viol âgée d’une quinzaine d’années à l’hôpital général, où nous avons attendu trois heures avant d’être menées à un lit de camp crasseux dans une salle publique, où la jeune fille a été examinée par un homme médecin. J’ai fini par procéder à l’examen moi-même dans les quartiers privés d’un autre médecin », raconte Betsy Freeman, la spécialiste en santé féminine de la délégation. Il est aussi difficile d’obtenir des certificats médicaux, très utiles pour la documentation des cas de viols.

À la suite de ces observations, le BAI basé à Port-au-Prince et le Lawyers’ Earthquake Response Network (LERN) demandent au gouvernement d’Haïti, aux agences des Nations Unies, aux nations donatrices et aux ONG travaillant en Haïti d’améliorer immédiatement les services offerts aux victimes de viols, et de prendre des mesures concrètes pour réduire le nombre de viols dans les camps. Les rondes de polices doivent être augmentées en nombre et inclure tous les camps, et les policiers doivent intervenir à l’intérieur des camps, et pas seulement autour du périmètre. Les patrouilles doivent, autant que possible, inclure des agents de police féminins qui pourront aider les victimes à remplir un rapport, et tous les policiers doivent être formés pour prendre les dépositions des femmes avec tact et sensibilité.

Les organisations

La délégation, coordonnée par le Lawyers’ Earthquake Response Network (LERN), une organisation fondée par l’IJDH, était composée de représentants de MADRE, de la faculté de droit de l’Université de Virginie, du Transafrica Forum, et du cabinet d’avocats Morrison and Foerster. Les membres de la délégation ont rencontré des organisations de femmes qui vivent dans les camps telles que KOFAVIV et FAVILEK, et de plus grosses ONG comme Kay Fanm et SOFA.

Le LERN est à présent composé de plus de 360 avocats et étudiants en droit qui répondent à divers besoins créés à la suite de tremblements de terre. L’IJDH et le BAI se battent pour les droits humains et la justice en Haïti et pour que les Haïtiens soient correctement traités aux Etats-Unis.